Téléphones, ordinateurs, réseaux sociaux : autant d’outils numériques qui s’insèrent de plus en plus dans nos quotidiens. Difficile parfois de faire la distinction entre usage personnel et usage professionnel, tant la frontière est poreuse… Consulter sa boîte mail professionnelle pendant ses congés, c’est vrai que ce n’est pas idéal. Mais quand on attend une réponse importante, on peut se le permettre, non ? Et peut-être qu’un de nos collègues est bloqué sur un dossier ? Pourtant, la loi nous dit qu’il faut déconnecter. Pourquoi, quand, et comment faire ? Cet article fait le point sur le droit à la déconnexion et ses implications pratiques.

 

De quoi parle-t-on ?

A priori, “déconnecter”, tout le monde comprend ce que cela veut dire. Appliqué à un environnement de travail, cela implique de faire intentionnellement une coupure avec les outils que l’on y utilise. Pour ce qui est de l’infrastructure, rien de bien compliqué : une fois rentré chez soi, on n’a plus accès aux locaux et aux outils, dossiers et autres équipements qui s’y trouvent. En revanche, la frontière est plus poreuse lorsque l’on s’intéresse au matériel numérique. Et pas besoin de chercher très loin : un téléphone et/ou un ordinateur que l’on ramène à la maison, c’est autant de moyens de se connecter aux plateformes de l’entreprise ou d’être contacté par son employeur. Qui peut dire avec franchise que cela ne lui est jamais arrivé ? 

 

Pour pallier ce phénomène aux effets délétères – nous y reviendrons dans un deuxième temps – le législateur a instauré un droit à la déconnexion. Son objectif ? Renforcer l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle en instaurant des règles d’usage. En pratique, cela se matérialise par la possibilité de ne pas se connecter aux outils numériques (boîte mail, messagerie d’entreprise, logiciels professionnels, etc.) et de ne pas être contacté par son employeur en dehors des horaires dédiés au travail. Cela inclut évidemment les jours de repos (congés payés ou non, RTT, jours de récupération, jours chômés…), mais aussi le week-end, et les plages horaires en amont et en aval d’une journée de travail. 

 

👉 Notons toutefois qu’il existe deux exceptions à l’interdiction faite à un employeur de contacter ses salariés en dehors de leurs horaires de travail. 
  • La première : le cas de force majeure. Sans la communication d’une information précise que le salarié est le seul à détenir (un mot de passe par exemple), la réalisation d’une tâche importante pour le bon fonctionnement de l’entreprise est entravée.
  • La deuxième : l’astreinte. En effet, si le salarié n’est pas tenu d’être physiquement présent sur son lieu de travail lors d’une astreinte, il doit rester joignable.

 

Les risques d’un manque de déconnexion ❗

Au-delà de simplement favoriser un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, l’instauration du droit à la déconnexion a également pour vocation de lutter contre des atteintes à la santé des travailleurs. En première ligne, c’est bien l’épuisement professionnel – que vous connaissez peut-être sous le terme anglophone de “burn-out” – qui est visé.

Lire aussi 👉 Qu'est-ce que l'épuisement professionnel ? Guide à destination des employeurs

 

Il n’est pas toujours facile de déconnecter : rares sont ceux qui ne pensent au travail que pendant leurs horaires professionnels. Ajoutez à cela l’interconnexion de nos téléphones, réseaux sociaux et boîtes mails, et vous êtes presque certain de ramener du travail à la maison, ne serait-ce qu’un peu ! Pour autant, le manque de déconnexion de l'environnement professionnel alimente les états de stress et d’anxiété, particulièrement nocifs sur le long terme. Déconnecter, c’est aussi se donner des clefs pour favoriser une bonne santé.

 

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Ce que dit la loi 📕

Mais alors, que nous dit la loi au sujet du droit à la déconnexion ? Premier écueil : si l’expression est bien mentionnée dans Code du travail (à l’article L. 2242-17), ce dernier ne contient pas de définition claire et précise du droit à la déconnexion. Il en va de même pour la loi travail El Khomri. Il revient donc aux entreprises de définir les modalités d’application du droit à la déconnexion à travers une charte. Celle-ci doit également mentionner les actions de formation et de sensibilisation prévues auprès de tout le personnel pour favoriser l’adoption de pratiques raisonnables liées aux outils numériques. De ce fait, les mesures annoncées sont propres à chaque entreprise, ce qui leur permet de mettre en place les initiatives les mieux adaptées à leur situation.

 

Depuis le 1er janvier 2017, le droit à la déconnexion doit être abordé lors de la négociation annuelle obligatoire (NAO) sur la qualité de vie au travail. Cette obligation s'applique aux entreprises de plus de 50 salariés ; les plus petites entreprises n’y sont pas tenues.

 

En revanche, le droit à la déconnexion concerne tous les salariés du secteur privé, qu’ils travaillent sur site ou en télétravail, qu’ils soient cadres ou non. Ces statuts restent soumis à la durée légale du travail. Pour ce qui est des employés de la fonction publique, les obligations sont différentes, mais certains acteurs ont développé des mesures favorisant le droit à la déconnexion. Prenons un exemple : la ville de Paris a mis en place un “mode d’emploi à la déconnexion” qui rassemble un ensemble de bonnes pratiques à respecter. Parmi celles-ci, on retrouve des indications précises sur les moments auxquels les employés ne sont pas tenus de répondre aux sollicitations professionnelles, ou encore des conseils concernant les horaires d’envoi d’email à privilégier.

 

Les bonnes pratiques à adopter ✅


Comment s’y prendre pour instaurer des pratiques favorables à la déconnexion des salariés en entreprise ? Afin de proposer un ensemble concret et cohérent, on optera pour une combinaison de trois types de mesures dont l’objectif est de sensibiliser, inciter et réguler.

 

1. Les mesures de sensibilisation ⛑️

Ce type de mesures regroupe toutes les initiatives de formation et de sensibilisation, qu’elles soient à destination des collaborateurs en général ou plus spécifiquement dédiées aux managers. Ces dernières sont particulièrement utiles pour relayer les bonnes pratiques et assurer une cohérence globale à l’échelle de l’entreprise.
 
Parmi les thématiques à aborder, on privilégiera : 
  • Les bons usages des outils digitaux et informatiques, notamment ceux qui concernent la communication (emails, messagerie instantanée)
  • La délimitation des environnements personnels et professionnels
  • Les risques liés aux outils digitaux et informatiques et leur détection.
2. Les mesures de prévention et d’incitation 👍
 
À travers les axes suivants : 
  • La définition des plages de déconnexion
  • Le partage de recommandations générales pour respecter ces dernières : éviter au maximum le contact entre salariés à propos de problématiques professionnelles en dehors des horaires et jours travaillés
  • L’utilisation des fonctionnalités d’envoi différé d’emails et de messages
  • La communication adaptée : mention de dispense de réponse, ou au contraire, mention d’urgence pour les cas exceptionnels
  • Le suivi du respect du droit à la déconnexion grâce à un bilan annuel établi sur la base d’une enquête interne.

3. Les mesures de régulation 🚩

En insistant particulièrement sur : 
  • L’interdiction de l’utilisation des outils digitaux en dehors des plages de travail
  • Le blocage des logiciels et serveurs de l’entreprise, si cela est possible.
En pratique, les mesures de prévention sont largement utilisées, tandis que les mesures de régulation sont régulièrement absentes du tableau.

 

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Cas d’usage : les managers 👤

Après avoir fait le tour des ajustements structurels à développer pour garantir en théorie le droit à la déconnexion, penchons-nous sur un exemple concret auquel nombre d’entre nous font ou auront à faire face au cours de leur carrière : les managers et le droit à la déconnexion de leurs équipes. Comment s’y prendre pour respecter son propre droit à la déconnexion et celui de ses équipes, tout en collaborant efficacement ?

 

1. Jouez la carte de l’exemplarité 😇

À vous de montrer l’exemple pour maximiser votre crédibilité : pas de message, de mail ou d’appel en dehors des heures de travail. Vous craignez d’oublier quelque chose ? Utilisez l’envoi différé de vos outils digitaux pour choisir un horaire ou un jour plus adapté. Et si cette fonctionnalité n’est pas disponible, il vous reste la bonne vieille méthode du post-it !

 

2. Communiquez sur votre disponibilité 🖐️

Un de vos collaborateurs vous sollicite sur votre demi-journée de repos ou au moment où vous vous apprêtez à quitter le travail ? Dites-le-lui, simplement et sans reproche, en indiquant votre date de retour. Cela vous permettra de montrer concrètement qu’il est possible de déconnecter, et d’inspirer vos collègues à le faire. 

 

3. Ouvrez la discussion autour de l’équilibre pro/perso 💬

Partagez les loisirs que vous aimez, sondez vos équipes sur leurs activités préférées après une journée de travail : cela vous permettra de créer du lien et de vous inspirer les uns des autres.

 

4. Expliquez pourquoi c’est important 💡

Au lieu d’asséner de façon arbitraire à vos collaborateurs qu’il faut déconnecter du travail, mieux vaut l’expliquer. Prenez l’initiative de proposer une pause en milieu d’après-midi par exemple. Pour convaincre les plus réticents, n’hésitez pas à mettre en avant des arguments qui peuvent se révéler utiles dans le cadre professionnel : se ressourcer, c’est aussi l’occasion de voir les choses sous un nouvel angle, de prendre du recul. Marcher favorise la créativité, une pratique idéale quand on bloque sur un projet !

 

5. Discutez-en de manière individuelle 🔓

Si malgré tous ces conseils, vous constatez qu’un ou plusieurs collaborateurs ne déconnectent jamais, prenez le temps de creuser le sujet avec eux. Cela vous aidera à identifier si cette habitude est liée à une manière de travailler héritée de leur parcours antérieur, ou si elle s’est développée en réponse à des problématiques structurelles – charge de travail trop élevée, forte pression, sur-valorisation des réponses immédiates, etc. Au besoin, redéfinissez les missions ou les manières de travailler pour aménager des moments de déconnexion.

 

 
Si le droit à la déconnexion est bien inscrit dans le Code du travail et s’applique donc à toutes les entreprises, sa mise en application relève d’une démarche particulière, propre à chaque structure. Cette absence de cadre commun précis peut être l’occasion de se pencher sur la question en l’adaptant à son fonctionnement et ses besoins. Ajoutez à cela la promotion de quelques bonnes pratiques en interne, et le droit à la déconnexion deviendra une nouvelle habitude de travail en un rien de temps !
 

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